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La place de l'arbuste dans l'enseignement horticole et paysage

Dernière mise à jour : 20 janv. 2022


Pascal Prieur, formateur, auteur, conférencier et Arbusticulteur

« Le savoir est la seule matière qui s’accroît quand on la partage » (Socrate). Mais pour qu’il se partage correctement, il doit reposer sur des certitudes avérées et non pas sur des connaissances qui ne sont supposées exactes que parce qu’elles sont énoncées depuis longtemps et par beaucoup !

Contrairement aux arbres des contrées tempérées, dont la construction architecturale et la gestion sont bien connues de nombre de professionnels, la compréhension de l’évolution spatiale des arbustes et de leur gestion est bien moins maîtrisée, probablement parce qu’à cause de ses petites dimensions, l’arbuste est considéré moins noble que l’arbre. Les données et les recherches scientifiques sur les divers comportements des arbustes accusent un énorme retard et par conséquent, sur ce point, l’enseignement horticole repose essentiellement sur des approximations déduites du fonctionnement des arbres et les méthodes de taille découlent en partie des techniques d’interventions sur les fruitiers, avec toutes les erreurs qui sont liées aux différences de fonctionnement (architecture, mode de floraison).

Quant à la reconnaissance des végétaux, elle peine à trouver sa place dans l’enseignement.


Reconnaissance des végétaux : la mémoire ne s’use que si l’on ne s’en sert pas

Le végétal est au cœur du métier de jardinier, que ce dernier soit sur le terrain ou concepteur. Sans végétaux, pas de jardin. L’actualité climatique nous montre chaque jour que ce n’est pas par le minéral que nous combattrons les îlots de chaleur et contrairement aux idées reçues, un jardin minéral ne pourra pas faire l’économie d’un entretien qui, au bout de quelques années, s’avèrera beaucoup plus contraignant que des massifs avec des végétaux judicieusement choisis, plantés et gérés.

Pourtant, le niveau de reconnaissance des végétaux de la plupart des jardiniers est catastrophique et les principes qui régissent la nomenclature sont très loin d’être maîtrisés. La plupart du temps, les connaissances se limitent à quelques genres couramment utilisés. Quand je questionne, les espèces qui me sont proposées sur le terrain au cours des formations que j’anime sont rarement les bonnes. Et ne parlons pas des cultivars ! En revanche, tous savent manier un taille-haie, comme si c’était l’indispensable outil du jardinier moderne. Certains stagiaires m’ont même avoué avoir été notés sur son maniement au passage de leur examen ! Les bras m’en sont tombés quand j’ai entendu cela pour la première fois.

Il faut bien reconnaître que l’apprentissage des noms d’arbustes est loin d’être comme celui de la pratique du vélo : il s’oublie très vite ! Quand on n’a pas la chance d’être tombé dans la marmite de la passion magique tout petit, il faut régulièrement « reprendre une dose » de noms latins pour entretenir ses acquis. La reconnaissance des végétaux demande en effet une pratique régulière, mais pour cela, encore faudrait-il que les programmes permettent aux enseignants d’y consacrer le temps nécessaire, ce qui n’est semble-t-il plus le cas depuis longtemps ! L’apprentissage des végétaux n’est jamais terminé. C’est un travail personnel permanent, mais ce travail doit d’abord être initié à l’école pour familiariser les apprenants à ces noms barbares qu’il est pourtant indispensable de connaître. Il serait temps de rééquilibrer les durées d’apprentissage entre matières informatiques et matières vivantes.


L’architecture des végétaux et la taille dans l’enseignement horticole

À chacune de mes interventions, je côtoie des professionnels de tous âges, dont une majorité a suivi, à un moment ou un autre, une formation qui les a amenés à l'obtention d'un diplôme allant d'un CAPA jusqu'à ingénieur. Et le constat est quasiment le même à chaque fois que je pose la question suivante : Qui a entendu parler des principes de basitonie/acrotonie au cours de son cursus scolaire ? Réponse : de zéro à quatre personnes maximum sur des groupes d’une quinzaine de stagiaires et ce résultat est quasiment le même quel que soit le niveau du diplôme obtenu. Les programmes ne fixant pas la méthode à présenter mais seulement un but à obtenir, chaque enseignant utilise les ressources ou les connaissances initiales dont il dispose. Et force est de constater que les principes qui me sont chers sont loin d’être connus de tous les enseignants. J’interviens sur la France entière et même au-delà, et quand j’interroge les stagiaires, les raisons qui font qu’ils ont appris ces principes sont toujours un peu les mêmes : parce que « j’ai fait une formation de grimpeur-élagueur », « j’ai suivi une formation de botaniste », « j’ai eu Pierre Raimbault comme professeur », « je l’ai appris dans mon école » et dans ce dernier cas, c’est toujours approximativement la même liste d’écoles qui revient. Ces principes sont pourtant la base d’une bonne utilisation et d’une bonne gestion des végétaux. Étrangement, ils sont bien plus enseignés en formation continue qu’en formation initiale.


Remise à niveau des connaissances des enseignants

Les raisons ou excuses qui me sont souvent données pour ne pas avoir appris les termes se rapportant à l’architecture des végétaux sont : « mes études sont bien trop anciennes, les mots n’existaient pas ! » Erreur, les termes « basitonie », « mésotonie » et « acrotonie » ont été décrits pour la première fois en 1937 par des physiologistes allemands ! Mais si ces termes sont enseignés dans les études au centre desquelles se situe l’arbre (Certificats de Spécialisation Arboriste élagueur notamment), ils sont encore très souvent ignorés de trop d’écoles d’horticulture. Parfois évoqués en biologie végétale, ils ne sont que rarement repris pour en expliquer les liens avec la croissance des végétaux et les tailles qui peuvent être appliquées aux arbustes. À quand un CS Gestion des arbustes ?

Ne figurant pas clairement dans les programme de formation, les seuls enseignants qui sont avisés des évolutions sont ceux qui remettent régulièrement à niveau leur logiciel de connaissances. Ce n’est donc pas une question d’âge, mais d’opportunité d’apprentissage ou de motivation de la part des enseignants.

Mais comment se fait-il qu’ils soient encore si peu enseignés ? Probablement tout simplement parce qu’avant Pierre Raimbault, l’initiateur de la méthode de taille qui permet d’associer la physiologie des différents types d’arbustes et les soins à leur apporter, avant les expérimentations menées par les Arbusticulteurs dans les lycées de Lomme, Roman et Nérac et avant les 5 livres que j’ai écrits sur le sujet, aucune véritable information en la matière n’a été diffusée au-delà de la communauté scientifique. Les informations écrites ou enseignées, y compris dans les livres et sur les sites internet, sont la plupart du temps dérivées des pratiques relatives à l’arboriculture fruitière, en omettant une différence majeure : tous les arbres fruitiers sont des arbres et sont donc acrotones. C’est ainsi que les plantes basitones sont exclues de l’enseignement…


Quel avenir pour l’enseignement des végétaux ?

Tout n’était pas aussi blanc qu’un tableau numérique dans l’enseignement d’hier et heureusement, aujourd’hui, tout n’est pas aussi noir que l’étaient les tableaux d’autrefois ! Un regain d’intérêt pour le végétal se fait sentir çà et là et un espoir de retour aux fondamentaux du métier est amorcé.

  • Il faut noter à ce sujet, la formidable initiative de l’UNEP reprise par VAL’HOR (interprofession française de l’horticulture, de la fleuristerie et du Paysage), qui, avec la collaboration de la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche (DGER) du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, organise un concours de reconnaissance de végétaux très pointu, visant à mettre en lumière les formations dispensées conduisant vers les métiers de l’horticulture et du paysage. Ce concours est organisé tous les 2 ans depuis 2011 au niveau national et chaque année dans chaque région métropolitaine au sein des établissements de formation en horticulture et paysage, avec l'appui des fédérations professionnelles. Les concours sont ouverts à tous les apprenants, du CAPA au BTSA, inscrits dans une formation en aménagements paysagers, production horticole et commerce et à tous les professionnels.

  • En écho à ce concours, l’UNEP affiche aujourd’hui haut et fort sur son site internet le slogan suivant : « Redonnons au végétal ses lettres de noblesse au sein de nos métiers ! ».

  • Au sein des établissements horticoles, la reconnaissance des végétaux a aujourd’hui disparu en tant que matière spécifique ; certes, mais en contrepartie positive, tous les modules de formations sont ou seront impactés par une nouvelle stratégie de transversalité. La connaissance des végétaux sera dorénavant enseignée sur tous les modules de bac pro à partir de cette année et à partir de 2024 pour les BTS. Le référentiel est actuellement en phase d’élaboration pour ces derniers. Pour peu que les enseignants jouent le jeu, le temps consacré au végétal devrait donc être plus important.

  • Les nombreux documents techniques rédigés par les Arbusticulteurs pour le compte de Plante & Cité principalement, mais également pour l’UNEP ou encore notre participation à la réécriture du fascicule 35 version 2021 donnent de plus en plus de crédit au discours tenu, discours qui va dans le sens d’un plus grand respect du végétal et d’un plus faible impact environnemental.

  • Enfin, les écoles dans lesquelles je suis invité à intervenir pour sensibiliser les élèves mais aussi et surtout pour former (ou déformater !) les enseignants sont de plus en plus nombreuses, et ceux qui ont entendu parler de taille raisonnée des arbustes et qui l’ont expérimentée sont de plus en plus nombreux également. Et à chaque fois le bon sens et l’évidence sautent tellement aux yeux que leur conclusion ressemble à celle du commissaire Bourrel dans la série télévisée « les 5 dernières minutes » : « Bon Dieu… mais c’est bien sûr ! ».



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